Extrait de texte:
du 6 juin 2008,
Les Mambaye, peuple victime d’agressions diverses
Les Mambaye expliquent leur minorité par les agressions armées, religieuses et culturelles dont ils ont été l’objet.
Les traces de l’origine des Mambaye proviennent essentiellement de la tradition orale. Ceux-ci viendraient de l’Asie mineure, plus précisément du Yémen, vers le 17e siècle. Après avoir traversé la mer Rouge pour atteindre l’Egypte, ils auraient ensuite longé le Nil pour s’échouer au Soudan. Ils auraient mis le cap sur le Niger où ils se seraient installés, dans une localité appelée Damagaram (actuel Zinder).
Du Niger au Tchad en passant par le Nigeria et le Cameroun
Du Niger, les Mambaye auraient fui l’islamisation, en transitant par le Nigeria pour s’installer dans la localité de Guider, au Cameroun. Mais ironie du sort, à l’époque, le conquérant Peul Ousman Dan Fodio s’était emparé d’une partie du grand nord Camerounais, la région de l’Adamaoua. Ils seront donc rattrapés par l’Islam qu’ils auraient embrassé au 19ème siècle, sous l’influence des Peuls. De Guider, ils se seraient déplacés pour s’installer de l’autre côté de la montagne appelée Bolgui. A Bolgui, la communauté se serait éclatée. Une partie serait restée sur place et une autre aurait migré au Tchad, pour s’installer à Biparé et ses environs. Cette séparation serait consécutive à une mésentente entre deux princes : l’aîné aurait préféré rester sur place tandis que le cadet, le Wouan (chef) Kami se serait installé à Biparé. L’Evangile est venu tardivement, en 1954, sous la bannière de l’Eglise Fraternelle Luthérienne. La plus grande partie des Mambaye vit au Cameroun, avec plus d’une quarantaine de villages.
“Nous étions plus nombreux. Les Mambaye étaient de grands guerriers et féticheurs. Ils ne s’entendaient pas avec leurs voisins immédiats (Foulbé, Moundang, Guizga, Bainawa). Nos ancêtres s’étaient farouchement opposés à la pénétration allemande au Tchad. De ce fait, il y avait eu une collusion entre nos voisins et les Allemands pour anéantir carrément les villages mambaye. Ainsi, au début des années 1900, ils ont pratiqué la politique de la terre brûlée à Kabouni où siégeait le charismatique Wouan Gouro”, souligne le patriarche Paul Balery, expliquant les facteurs qui ont entraîné le dépeuplement drastique des populations mambaye du Tchad. Après une farouche résistance, les Allemands ont dompté Gouro et l’ont déporté.
Massacres et dispersions
“Presque toute la population fut exterminée. Les fusils des Allemands ont pris l’ascendance sur les armes blanches des Mambaye. Les rescapés sont ceux qui ont pu se cacher dans les greniers ou se réfugier dans les montagnes avoisinantes du Cameroun”, poursuit-il.
Quelques années après ces massacres, le successeur de Gouro, le Wouan Bakary, a choisi de déménager à Biparé pour y installer son trône. Ce n’est que graduellement que les survivants des massacres sont venus s’installer à Biparé. Kabouni aussi s’est mis à se repeupler par la suite. Kabouni signifie littéralement “ruine”, c’est-à-dire une ancienne habitation qui a été brûlée et sur laquelle sont revenus s’installer les rescapés. Du premier Wouan Zooh Darah à l’actuel Issa Kada, 14 chefs se sont succédé à la tête du canton Biparé.
M. Moussa Nassourou Koué, secrétaire général de l’Association des parents d’élèves de Biparé, explique plutôt la réduction du nombre des Mambaye par un autre facteur, à savoir la mésentente entre les Mambaye eux-mêmes. “Pour des questions de jalousie et de zizanie, beaucoup de Mambaye ont quitté leur communauté pour aller vers d’autres horizons. Par exemple, beaucoup sont devenus Moundang ou Baïnawa. Ils savent qu’ils sont Mambaye, mais avec l’influence de leur nouveau milieu, ils embrassent la langue de leurs communautés d’accueil. Ils sont nombreux à être dans cette situation”.
Un groupe menacé d’extinction
Dotée d’un alphabet riche de 33 lettres, la langue mambaye, est toujours en usage malgré l’influence des langues Moundang et Foulbé. Les Mambaye ont su garder leur identité, par exemple dans l’attribution des noms à leurs enfants. Les noms les plus usités pour appeler les garçons sont Kami (l’aîné), Koué (le choyé), Kada (le sérieux), Tao (le benjamin et le rusé). Les principaux noms féminins sont Tipana, Tiza, Tigam, Tibara, Tija, Tidévi. Avec l’islamisation, ils ont adopté des noms arabes ou foulbé tels que Hamidou, Hassanatou, Abdoulaye, Fatoumata, Mounira, etc. Beaucoup de gens ont tendance à abandonner les noms typiquement mambaye au profit de ceux précités. Dans la minorité chrétienne, même si un prénom biblique est usité, le patronyme reste mambaye. D’une certaine façon, la religion porte un coup à la préservation du patrimoine culturel mambaye.
L’autre menace à la langue mambaye est liée à la faible représentativité du groupe. La langue ne se parle qu’entre les sujets mambaye. Dans les marchés du Cameroun, c’est le Foulbé qui est de mise ; au marché de Léré, ils sont obligés de parler le moundang ou le foulbé pour échanger. A la mosquée, c’est le foulbé qui prévaut, tandis que dans les paroisses, en plus des prédications, c’est la Bible en langue moundang qui est utilisée. Le mambaye ne se parle que dans les ménages et dans les échanges entre les populations autochtones. Cette situation permet d’affirmer que la langue mambaye est en sursis, si rien n’est fait pour la revaloriser.
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