Le Pays Mambay, Pays du Tourisme

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  Croyances



 

Croyances Mambay

L’univers mystico-religieux




Article N°1

Dieu et ses entités déléguées

Yaoundé, le 8 avril 2010

OUMAROU Mamoudou

 




Introduction


Quiconque désire étudier la cosmogonie, les croyances et la sociologie Mambay, doit impérativement se familiariser avec l’utilisation du mot «TI» dans la langue parlée Mambay. Le mot «TI» est l’une des importantes clés qui donnent accès à la compréhension des univers physiques, invisibles et spirituels dans les croyances Mambay.

Comme la plupart des sociétés africaines, la société Mambay est mystico-religieuse. C’est une société qui fait partie d’un monde complexe où des humains communiquent avec des animaux, des végétaux et des matières inertes; un monde où un être humain peut avoir pour conjoint un animal dans la forme humaine; un monde où des humains surprennent fréquemment des végétaux ou des animaux en pleine conversation; un monde où il est pratiquement impossible de séparer des pratiques mystiques et des rites religieux. L’individu est constamment en communion avec le monde des esprits et le monde physique.

Dans la cosmogonie Mambay, le Dieu créateur (Si-Kettih) a organisé son royaume en plusieurs univers et sous-univers ou délégations dont les responsables sont des entités «TI», auxquelles il délègue des pouvoirs et des vertus que les humains peuvent utiliser à volonté pour tirer bénéfices des autres créatures divines.

Les entités «TI» dont le rôle est entre autre le maintien de l’équilibre cosmique et l’harmonie entre les créatures divines, ont le plein pouvoir de réprimer toute créature divine qui se comporte mal envers les autres. Il n’est donc pas étonnant de comprendre que les exploitations abusives des ressources naturelles sont interdites dans les traditions Mambay. Ainsi un bûcheron qui abat abusivement des arbres dans la forêt alors qu’il n’en a pas besoin, écopera une sanction (maladie ou malédiction) qui peut parfois toucher ses descendances sur plusieurs générations.

L’univers Mambay (physique, invisible et spirituel) est composé des créatures divines sous forme d’esprits, dont certains se comportent comme des prédateurs envers les autres. Pour y survivre, la recherche continue des méthodes et techniques de protection contre des esprits prédateurs est une obligation.


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1. Utilisation des mots  «TI » et  « NANGA » dans la langue Mambay

            La langue BOLGUI, actuellement appelée la langue Mambay, fait usage fréquemment de du mot TI pour donner une bonne précision ou un sens à l’idée qui doit être exprimée. Selon les circonstances, le mot TI devant un nom joue le rôle d’article ou bien divinise le nom auquel il se rapporte. Dans le cas d’article, il peut être accompagné du mot NANGA pour donner une nette précision à une expression.

 

1. 1. TI comme article, avec l’idée de précision

La langue Mambay utilise le mot TI devant un nom d’objet, d’animal ou de personne pour parler du pluriel ou bien pour donner une précision au nom qu’il précède. Souvent pour mieux cadrer l’idée exprimée, on fait accompagner le nom par le mot NANGA. On dira par exemple :

 

EN MAMBAY                                 EN FRANÇAIS

 

a). Utilisation avec l’idée de précision

 

Vinah                                                 la femme en général (idée non précise, indéfinie)

Ti-Vinah                                            la femme (précis), on sait de quelle femme on parle

Ti-Vinah nanga                                 la femme-là, la femme-ci, cette femme (idée démonstrative)

Napugah                                             l’homme en général, n’importe quel homme

Ti-Napugah                                        l’homme ; un homme bien précis

Ti-Napugah nanga                             l’homme-là, l’homme-ci, cet homme

Zoogah                                               l’oiseau en général

Ti-Zoogah (nanga)                            l’oiseau, l’oiseau (-ci/là), cet oiseau

 

b). Utilisation avec l’idée du pluriel ou d’appartenance à un groupe,

      mais toujours avec l’idée de précision

Garoua                                               la localité de Garoua

Ti-Garoua                                          les gens ou habitants de la localité de Garoua

Guiziga                                               un Guiziga, l’homme Guiziga en général

Ti-Guiziga                                          le peuple Guiziga, les Guiziga

Pah Ti-Guiziga                                   l’homme du peuple Guiziga en général (non précis)

Ti-Pah Ti-Guiziga                              cet homme du peuple Guiziga

Pah Ti-Guiziga nanga                        l’homme Guiziga-ci/là, ici on sait de qui il est question

Geremu (lire : Gueremou)                   les femmes en général (idée non précise, indéfinie)

Ti-Geremu,                                         les femmes-là, les femmes-ci (bien précises)

Ti-Geremu nanga                              ces femmes (idée démonstrative)

D’une façon générale un nom XYZ en Mambay peut être précédé de l’article TI et accompagné du mot NANGA (qui signifie : Nanga (ci), Nungu (là)). La nouvelle forme du nom XYZ est donc : Ti-XYZ Nanga ou Ti-XYZ-Nungu.  Cette utilisation est toujours juste et propre. Celui qui parle la langue Bolgui pourra ainsi saisir le sens de Ti-XYZ Nanga, c'est-à-dire si le nom ainsi composé parle d’un objet, d’une personne, d’un animal ou d’un groupe des personnes, d’objets, d’animaux bien précis.


1. 2. TI comme définition d’une entité dans le cosmos

            La langue Mambay utilise le mot TI devant un nom d’objet, d’animal ou de personne pour définir l’entité unique dans le cosmos qui incarne tous les types d’objets, d’animaux ou de personnes qu’il (TI) précède.  On a par exemple :

 

EN MAMBAY          EN FRANÇAIS

 

Vinah                         FEMME

Ti-Vinah                     la femme idéale, avec tous les pouvoirs (bons et mauvais) et vertus de la  

                                   femme

Zoogah                      OISEAU

Ti-Zoogah                  l’entité responsable des oiseaux de la terre, qui incarne tous   

                                   les  pouvoirs (bons et mauvais)  et les vertus des oiseaux de la terre

Tuäh                          SERPENT

Ti-Tuäh                      L’entité responsable des serpents de la terre, qui incarne tous les pouvoirs   

                                  (bons et mauvais) et vertus des serpents de la terre.

Ze’egah                      MONTAGNE

Ti-Ze’egah                  l’entité responsable de toutes les montagnes sur la terre, incarnant

                                   les pouvoirs (bons et mauvais) et les vertus des montagnes de la terre

Biah                           EAU

Ti-Biah                       L’entité responsable des eaux dans le cosmos, incarnant les

                                   pouvoirs (bons et mauvais) et les vertus des eaux du cosmos.

Siigroh                       TERRE

Ti-Siigroh                    L’entité responsable de la terre dans l’univers, et qui

                                   incarne les pouvoirs (bons et mauvais) et les vertus de la terre

Naarah                      NUAGE

Ti-Naarah                   L’entité responsable des nuages dans l’univers, et qui

                                   incarne les pouvoirs (bons et mauvais) et les vertus de tous les nuages dans

                                   l’univers

Hudtoh                     MORT

Ti-Hudtoh                  L’entité responsable de la mort, qui donne la mort à un être vivant,

Kettih                        VIE

Ti-Kettih                    L’entité responsable de la vie, qui donne la vie et qui maintient un être

                                  vivant en vie sur la terre.

Si-Kettih                   Dieu créateur de l’univers et chef de toutes les entités auxquelles

                                  il délègue certaines de ses pouvoirs. Les entités ont reçu de Si-Kettih

                                  les pouvoirs de gérer des objets, des minéraux, des animaux, des  

                                  personnes sur la terre et des phénomènes et corps de l’univers.

Giäh                         SOLEIL

Ti-Giäh                     L’entité responsable de notre soleil dans l’univers, et qui

                                  incarne les pouvoirs (bons et mauvais) et les vertus du soleil

Närah                       ETOILE

Ti-Närah                    L’entité responsable des étoiles dans l’univers, et qui

                                 incarne les pouvoirs (bons et mauvais) et les vertus de toutes les étoiles

Nua’ah                    TROU

Ti-Nua’ah                 L’entité responsable des trous dans l’univers, et qui incarne les pouvoirs

                                (bons et mauvais) et les vertus de tous les trous de l’univers

Baäh                        PLUIE

Ti-Baäh                     L’entité responsable des foudres, des tonnerres et des pluies sur la terre, qui

                                 incarne les pouvoirs (bons et mauvais) et les vertus des pluies, foudres et

                                 tonnerres sur la terre.

Geerikpa’anah         VENT

Ti-Geerikpa’anah       L’entité responsable des vents sur la terre, qui incarne les pouvoirs (bons et   

                                  mauvais), ainsi que les vertus des vents de la terre.

Sumuh                      NUIT

Ti-Sumuh                  L’entité responsable de la nuit, qui incarne les pouvoirs (bons et   

                                 mauvais), ainsi que les vertus de la nuit.

Siggoh                      CAÏMAN

Ti-Siggoh                  L’entité responsable des sauriens de la terre, qui incarne les pouvoirs (bons

                                 et  mauvais), ainsi que les vertus de tous les sauriens de la terre.

Faäh                         ROUTE

Ti-Faäh                     L’entité responsable des routes sur la terre, qui incarne

                                  les pouvoirs (bons et mauvais) et les vertus des routes de  la terre.

Kpeegah                   ARBRE

Ti-Kpeegah               L’entité responsable des arbres sur la terre, qui incarne les pouvoirs (bons et

                                  mauvais) et les vertus des arbres de  la terre.

Kyäh                          POISSON

Ti-Kyäh                     L’entité responsable des poissons de la terre, qui incarne les pouvoirs (bons

                                  et mauvais) et les vertus des poissons de  la terre.

Le’ebah                     METAL

Ti-Le’ebah                 L’entité responsable des métaux sur la terre, qui incarne les pouvoirs (bons

                                  et mauvais) et les vertus des métaux de  la terre.

Si’ilah                       FROID

Ti-Si’ilah                    L’entité responsable du froid sur la terre, qui incarne les pouvoirs (bons

                                 et mauvais), ainsi que les vertus du froid.

Gokbah                    SORCELLERIE

Ti-Gokbah                L’entité responsable des pratiques de la sorcellerie sur la terre, qui incarne 

les pouvoirs maléfiques. Elle n’a pas de vertu. Le chef de tous les sorciers maléfiques de la terre. Ti-Gokbah se nourrit des âmes et du sang humains

Etc.

2. Dieu et les entités

Dans la cosmogonie Mambay, toute chose est créée par Si-Kettih (le Dieu créateur de l’univers, tout puissant, omniscient, omniprésent, juste, bon, amoureux de ses créatures), mais possède une entité (esprit) qui la gère dans l’univers et la représente devant son créateur. En Mambay, une personne qui se résigne dans certaines circonstances dit : « Ti togo ou bien Si-Kettih togo (Si-Kettih est. On ne dit pas Si-Kettih existe); Si-Kettih Bom (Si-Kettih le seul) ;  Si-Kettih lo’u  (Si-Kettih est grand) ; Si-Kettih Kabahum (Si-Kettih le juste) ».


Dans la cours de Si-Kettih, toute créature divine est une entité ou un esprit. Contrairement aux croyances d’Abraham (islam, christianisme, judaïsme), la croyance Mambay ne connaît pas un être spirituel puissant (comme Satan) qui rivalise Si-Kettih le Dieu créateur de l’univers. L’entité des pouvoirs maléfiques (Ti-Gokbah) est loin d’être l’adversaire puissant de Si-Kettih, le Dieu créateur et maître de tout.  

Les malheurs naturels (la mort, les tremblements de terres, les inondations, les épidémies, etc.), ne sont autres choses que des réactions des entités quelconques chargées de veiller à l’équilibre cosmique et à l’harmonie entre les créatures de Dieu. Un déséquilibre quelconque ou un manque d’harmonie quelque part provoque un malheur qui s’abat sur la terre. Certains malheurs causés par l’homme (guerre, incendie, génocide, extermination d’animaux sauvages, homicide, adultère, vol, jalousie, convoitise, etc.), ne sont attribués qu’à l’homme lui-même. Ni Dieu, ni autre entité n’a intérêt à cela. Même l’assassinat d’une personne causé par un sorcier qui aurait bénéficié des pouvoirs maléfiques de Ti-Gokbah, est imputé à l’homme seul. Ce sont les hommes qui demandent l’assistance des entités maléfiques et non le contraire. 

  Si-Kettih (le Dieu créateur) agit sur l’univers par l’intermédiaire des entités auxquelles il délègue certains de ses pouvoirs. Ces entités ont pour devoirs le maintien de l’équilibre cosmique et  de l’harmonie entre les créatures divines. Ainsi les entités utilisent leurs pouvoirs (bons ou mauvais), ainsi que leurs vertus pour accomplir leurs devoirs. Elles ont aussi droit à réprimer par exemple une personne qui affiche un mauvais comportement vis-à-vis des autres créatures divines. La répression peut parfois s’étendre sur plusieurs générations. On a par exemple :

  • un chasseur qui tue abusivement des animaux dans la brousse, sera sanctionné par Ti-Namah (l’entité des animaux de brousse). Parfois Ti-Namah délègue ses pouvoirs aux autres sous-entités telles Ti-Tuäh (l’entité serpent), Ti-Napah (l’entité biche), Ti-Taäh (l’entité buffle), etc. Les sanctions peuvent parfois toucher les descendances de ce chasseur sur plusieurs générations;
  • un bûcheron qui abat abusivement des arbres dans la forêt alors qu’il n’en a pas tellement besoin, un pêcheur qui ramasse sans limite des poissons dans le lac, un homme qui cherche les femmes d’autrui, quelqu’un qui fait ses besoins sur la route fréquentée par ses semblables, quelqu’un qui verse du poison dans une source d’eau dont se servent ses semblables ; tous écoperont des sanctions mystérieuses. 

Tandis que Si-Kettih est invoqué dans des prières, les entités elles, sont invoquées lors des rituels ou des incantations magiques. Les entités sont utilisées dans des rituels ou à des fins magiques par les humains. Ainsi lorsque par exemple un féticheur (Pah Gialah) fabrique une amulette et y insuffle le pouvoir des poissons, cette amulette incarne directement certains pouvoirs ou les vertus de Ti-Kyäh (l’entité responsable des poissons).  Le porteur de l’amulette est alors investi des pouvoirs qui lui permettent par exemple de pêcher en quantité suffisante des types de poissons qu’il désire.

 Une amulette fabriquée à base des pouvoirs et vertus de Ti-Le’ebah (l’entité des métaux) rendra son porteur invulnérable aux métaux (lance, couteau, flèche etc.).

Une amulette fabriquée à base des pouvoirs et vertus de Ti-Siigroh (l’entité Terre) rendra son porteur invulnérable aux attaques mystiques des hommes de la terre.

            Les entités sont aussi utilisées par des sorciers maléfiques pour envoûter et posséder une personne. Le sorcier envoûteur choisit sa cible, invoque les pouvoirs négatifs d’une entité et projette une graine de nuisance dans le corps de sa victime. Cette graine de nuisance germe à l’intérieur du corps de la victime et lui cause divers troubles psychosomatiques, physiques, spirituels, psychiques, mentaux.  Pour se débarrasser de ces maux divers, la victime doit se faire examiner par un médecin traditionnel voyant (Pah Yiäh ou Pah Halgah) spécialisé, qui détermine les causes des troubles et le type de l’entité ou des entités responsables du mal. Une fois le diagnostic établi, le malade (victime) est conduit chez un tradipraticien exorciste (par exemple Ti-Vin Sinnah) qui, par des procédés complexes et initiatiques, procède au désenvoûtement en ordonnant à l’entité ou aux entités de quitter le corps du malade. L’exorcisme n’est pas toujours facile. On assiste souvent à des bagarres et des guerres des mots entre l’exorciste et l’entité à l’intérieur du corps du malade. Le malade parle d’une voix qui ne lui appartient pas et il a une force incroyable dans ses muscles. Un malade en scène d’exorcisme peut faire jeter cinq à dix personnes à terre !

La séance de délivrance peut prendre des heures, des jours, voire des semaines et même des mois et ceci en fonction du type de l’entité responsable de la maladie de la victime et la capacité de l’exorciste à pouvoir affronter les esprits et des entités maléfiques.

            Lorsque l’exorciste remporte la partie, l’entité ou l’esprit maléfique quitte la victime qui revient en elle-même. Le prêtre clôture la séance par une offrande qui peut être par exemple une chèvre, un poulet, un poussin, un oeuf, quelques noix de cola, une poignée de mil, d’arachide, de haricot, de farine de mil. L’offrande est alors déposée dans un endroit déterminé par l’exorciste, par exemple sous un arbre en brousse, auprès de fleuve, devant un grand rocher, etc. Le malade guérit définitivement.

             Le désenvoûtement se réalise généralement par un guérisseur spécialisé qui combine différentes méthodes et techniques (pouvoir des plantes naturelles, prières, incantations, jeûnes, danse thérapeutique (en Mambay : DZa’a Sinnah), offrandes ou sacrifices).

2.1. Les entités et les esprits

            Les esprits sont des êtres invisibles créés par Si-Kettih. Certains vivent sur la même terre que les humains et d’autres dans d’autres mondes invisibles et parallèles à notre monde. La porte d’entrée à ces mondes peut être un rocher, un point d’eau, un arbre, une termitière, une colline, un trou dans une plaine etc. Les esprits peuvent apparaître devant des humains sous diverses formes et leur parler.

Dans les croyances Mambay, les esprits sont classés par catégories et types en fonction de leurs pouvoirs, vertus, lieux d’habitation, facultés intellectuelles, conscience, état d’âme. Il existe des esprits supérieurs, des esprits inférieurs, des grands esprits, des petits esprits. Certains d’entre eux sont intelligents, bienveillants, corrompus, bêtes et idiots, fallacieux, sages, méchants, maléfiques, légers, évolués, beaux, laids, égoïstes. Ils peuvent habiter des fleuves, des lacs, des collines, des rochers, des montagnes, des arbres, une plaine, dans le corps d’animaux sauvages, des poissons, des oiseaux, des hommes. Ils peuvent occuper des grands espaces, tout comme des petits espaces. Un esprit peut même habiter sur le bout d’une petite aiguille. Il n’a pas de forme fixe. Mais tous les objets ordinaires de la nature ne sont pas habités par des esprits, cependant ils sont sous le contrôle d’une entité supérieure à laquelle Si-Kettih délègue certains pouvoirs et vertus.

Lorsqu’un esprit occupe un objet de la nature, cet objet devient automatiquement une entité, mais moins importante que celles responsables des créatures divines. Par exemple si la montagne Arafat est occupée par un esprit, elle sera appelée Ti-Se’egi Arafat. Ti-Se’egah est l’entité qui contrôle toutes les montagnes du monde, mais Ti-Se’egi Arafat ne contrôle que la montagne Arafat.  La formule générale pour définir une entité pour un objet spécifique est :

Ti-[Type d’Objet en Mambay] [Appellation de l’objet].


Les entités responsables des créatures divines, sont des esprits supérieurs. Ils jouent à peu près le même rôle que les anges dans d’autres croyances. Elles sont supérieures aux esprits qui cohabitent la terre avec les humains.

2.2. Les esprits maléfiques

            Les esprits maléfiques (Geerih puuga, Kissinah en Mambay) sont des entités méchantes créées par Si-Kettih. Ils peuvent aussi être des esprits des défunts n’ayant pas pu être admis dans le royaume de leurs ancêtres. Ces défunts ont connu des comportements mauvais envers les humains, les animaux et les objets de la nature. Ils n’ont pas observé correctement la vérité, l’amour et la charité pendant leur vie sur terre. Un esprit humain qui n’a pas pu entrer dans le royaume de ses ancêtres erre dans la nature à l’état invisible et devient méchant envers les êtres vivants (hommes, animaux et mêmes les plantes) sur la terre. Il peut collaborer avec des esprits naturels ou bien avec d’autres esprits errants.

Un esprit ordinaire peut se transformer en animal, poisson, arbre ou autre. Il peut conclure parfois des pactes avec des humains en leur donnant des pouvoirs magiques et en contre partie les humains peuvent leur faire des sacrifices (parfois y compris des sacrifices humains).  Certains esprits ne se nourrissent que du sang.

Dans les croyances Mambay, toutes les offrandes ou tous les sacrifices ne sont pas destinés aux entités bienveillantes ou généreuses. Les sorciers maléfiques donnent leurs offrandes aux esprits corrompues, maléfiques, errants, méchants. Les guérisseurs (sorciers positifs), eux sont des grands prêtres qui exploitent les pouvoirs positifs et de vertus des entités bienveillantes ou responsables des créatures divines, pour aider les sociétés. 

3. Protection contre les entités et esprits

            Pour être hors des emprises des entités ou esprits maléfiques, l’homme Mambay se protège par des amulettes, des plantes naturelles, des formules magiques, des prières et de la purification spirituelle. A côté de ces méthodes de protection, il existe aussi des totems (animaux protecteurs et amis de clan, de famille, de village ou du peuple) et des égrégores de famille, de clan, de village et du peuple, qui gardent l’homme Mambay hors des pouvoirs des entités et des esprits maléfiques.

3.1. La purification spirituelle

La purification spirituelle (Pu’un Innuh en Mambay) consiste en l’observation de certaines règles des conduites (la vérité, l’amour et la charité) et des pratiques des jeûnes (jeûne total d’un à trois jours, jeûne de sept jours, jeûne de neuf jours, des jeûnes partiels en évitant certains aliments, les querelles, la femme, …), les sacrifices et les offrandes.

En matière de l’observation de la vérité, l’amour et la charité, la croyance Mambay n’a rien à envier aux prescriptions des religions d’Abraham (l’islam, le christianisme et le judaïsme).

Un jeûne se pratique en fonction des circonstances qui se présentent. Un guérisseur traditionnel peut faire un jeûne par exemple lorsqu’il désire aller chercher certaines plantes thérapeutiques dans la forêt. En fonction de type de maladie (maladie physiologique ou parapsychologique), le jeûne peut être partiel ou total sur un ou plusieurs jours. Pendant le jeûne le guérisseur observe le silence et rentre dans une médiation profonde. Il peut parfois s’isoler pour ne pas rompre la bonne conduite. Le jeûne est alors rompu une fois les plantes ramenées à la maison. Mais dans la forêt, avant d’arracher une portion de plantes (feuilles, écorces, racines), il doit d’abord demander la permission à l’entité responsable du type de la plante en lui offrant symboliquement quelques grains de sésame, de fonio, de mil (rouge, blanc, jaune), de haricot, de la farine du mil, du vin, etc.  S’il ne demande pas la permission au responsable de la plante, son remède ne sera pas efficace.

            Toutes les plantes ne sont pas aussi des plantes ordinaires. Il existe des plantes simples ou ordinaires que l’on peut étudier avec des procédés scientifiques ordinaires en analysant leurs molécules et leurs substances actives.

Il existe aussi des plantes dites « plantes à mystères », dont les « plantes à esprit » et les « plantes programmables », les « plantes enregistreuses d’événements ». Ces catégories de plantes ont un esprit qui constitue leur substance active. Il faut donc avoir accès aux êtres réels de ces plantes pour leur donner des instructions, qu’elles garderont définitivement ou temporairement. Malheureusement les êtres réels de ces plantes sont des esprits ne peuvent pas être étudiés et analysés par des procédés scientifiques ordinaires, d’où un appel à des méthodes et techniques complexes relevant de la parapsychologie et du monde invisible est nécessaire.

Une  « plante enregistreuse d’événements » comme son nom l’indique est une plante utilisée dans le diagnostic de maladies. Le guérisseur tâte le corps du malade avec la plante et la garde sous son oreiller à lui (le guérisseur). La nuit la plante lui montre le vrai diagnostic de la maladie sous forme d’images comme dans un filme.


3.2. Plantes à mystères

3.2.1. Plantes programmables 

Dans la médecine traditionnelle Mambay, il existe une multitude de plantes à mystères, dont kugah, kpavirah, gyäh, tungah. Ces plantes reçoivent leurs substances actives (esprit) d’un initié de haut niveau (Pah Gialah), qui leur prescrit leurs pouvoirs et vertus. Ces plantes existent à l’état naturel dans la forêt avec un esprit neutre et sans fonction. On dit qu’elles sont vierges. Les initiés les reconnaissent dans la forêt si elles sont vierges ou pas.

 

L’initié de haut niveau, dont le rôle dans la société est de découvrir des plantes bénéfiques à l’humanité, arrache une partie de ces plantes. Il observe le silence pendant un bon moment et parle en prononçant des mots ordinaires décrivant les pouvoirs et les vertus que doit désormais posséder cette partie de plante qu’il tient dans sa main, et il la jette à terre. Cette partie de la plante est ainsi investie des pouvoirs et vertus que l’initié désire. L’initié la ramasse et rentre à la maison avec elle. Il la plante, la laisse germer et grandir. Quand la plante a suffisamment grandi, il peut en extraire une partie pour la donner à un autre grand initié. Une nouvelle connaissance est découverte !

3.2.2. Plantes à esprit, exemple « Zoodarah »

Il existe par exemple une plante appelée « Zoodarah », qui ressemble beaucoup à la liane. Elle pousse généralement au pied d’un grand arbre et le grimpe au fur et à mesure qu’elle grandit. On l’aperçoit seulement lorsqu’elle a suffisamment grandi et que ses feuilles sont visibles au-dessus de l’arbre. Dans de cet état, on n’aperçoit pas sa racine. On aperçoit rien que ses feuilles et sa partie entre les feuilles et sa racine. On peut chercher longtemps sa racine sans la trouver.

Bien, pour trouver la racine de Zoodarah, on répand au pied de l’arbre quelques grains de sésame le matin de bonne heure (4-5 heures) et on revient à midi (12-13 heures) lorsque le soleil brille de toute sa force. Sous l’arbre on peut apercevoir une colonie de fourmis qui transportent des grains de sésame. Là où les fourmis entrent dans le sol, là se cache la racine de Zoodarah ; on peut alors creuser à cet endroit précis pour l’extraire.

La racine de Zoodarah a beaucoup de pouvoirs et de vertus; en creusant le sol pour l’extraire, des formes bizarres et des animaux féroces apparaissent dans les environs. Il faut maintenir son courage et creuser jusqu’à rencontrer la racine et l’extraire. Cette racine peut être utilisée à diverses fins bénéfiques. Elle est réservée aux des esprits saints, c’est la raison pour laquelle on observe des jeûnes pour l’extraire. Un sorcier maléfique peut aussi l’extraire, s’il accomplit normalement le jeûne. Le jeûne purifie l’âme et l’esprit.

3.3. Les prières

             Les prières (en Mambay : Kä Si-Kettih, Pag Dagsinnah, Pag Dagnamuurah, Kiä Iggah) sont généralement individuelles et privées; elles peuvent être collectives pendant des initiations, des cérémonies de demande de grâce, des assistances maladie, des funérailles (par des chants funéraires contenant des formules et des conseils pour les morts et les vivants).


3.3.1. Cérémonies de demande de grâce 

            Les cérémonies de demande de grâce, sont des cérémonies au cours desquelles, on implore la grâce de Si-Kettih pour avoir quelque chose (récoltes abondantes, pêches fructueuses, protection contre des épidémies, demande de pluies, la fécondité des femmes, etc.). On a  par exemple lorsqu’il ne pleut pas pendant la saison des pluies, et que des plantes agricoles commencent à sécher, des femmes organisent une cérémonie réservée strictement aux femmes et exécutent des chants contenant des formules de pardon, de dévouement, de confiance adressées à Si-Kettih pour lui demander des pluies. Ces chants sont généralement exécutés devant un élément physique de la nature (fleuve, grand rocher, colline, grand arbre, montagne), qui symbolise la grandeur des œuvres et des mystères de Si-Kettih. Ceci rappelle à Si-Kettih ses miracles qu’il a réalisés sur la terre. Ces miracles sont continus et des pluies sont aussi des miracles divins. Dans la plupart des cas (environ 9 cas sur 10), les pluies tombent abondamment et mouillent les chanteuses avant même qu’elles ne rentrent chez elles. Les prières de demande des pluies ne sont exécutées que par des femmes.


3.3.2. Reconnaissance dédiée à une entité généreuse

Il existe aussi une sorte de prière de reconnaissance ou de remerciement dédiée à une entité bienveillante et généreuse, par exemple la prière Zoogiäh ou Zoo Ti-giäh (qui signifie saluer Ti-Giäh : l’entité soleil). Elle est pratiquée deux à trois fois par jour, en saluant le soleil quand il se lève, quand il est au zénith et quand il se couche. Le soleil est l’œuvre formidable de Si-Kettih. Il est le symbole de la réanimation de la vie sur la terre. Il se couche et se relève.  Il régule la vie sur la terre, dans les airs et sous les eaux.  La prière Zoogiäh est pratiquée de la manière suivante :

a)      on formule l’intention de reconnaissance envers le soleil généreux et bienveillant;

b)      la face est tournée vers le soleil ;

c)      on tape les deux paumes des mains l’une contre l’autre plusieurs fois (généralement 7 fois, ou bien 3 fois pour les hommes et 4 fois pour les femmes).


3.3.3. Prières adressées à Si-Kettih

            Il existe aussi des prières secrètes et individuelles, que l’on fait à n’importe quel moment et n’importe où, surtout si cela est nécessaire et où les attributs de Si-Kettih sont évoqués. Celles-ci sont adressées directement à Si-Kettih. Elles commencent par la formule suivante :

 

Si-Kettih mu do bom                            (Si-Kettih c’est toi le seul)

Mu do pah so’ole gbantang te’edte     (C’est toi le plus grand pour tout)

Pah bin i la’a mu yagn,                        (Personne n’est comme toi)

So’ole do i am.                                       (la grandeur est à toi)

 

Après cette formule, l’on peut ajouter ce que l’on veut demander.

 

Par exemple voici la Prière de demande de protection quand on va au lit

Si-Kettih mu do bom                         (Si-Kettih c’est toi le seul)

Mu do pah so’ole gbantang te’edte     (C’est toi le plus grand pour tout)

Pah bin i la’a mu yagn,                       (Personne n’est comme toi)

So’ole do i am.                                               (la grandeur est à toi)

 

            Si-Kettih, mi vini sugn sugu            (Si-Kettih, je vais au lit)

           Mi waari Nakansi’inih voro dig säm, (Je laisse mon esprit entre tes mains)

           Mu dim säm kani                             (Protège moi)

           Mu erni mi rogo ma yiap                 (Fais moi lever demain en pleine forme)

           Ko ina ro’ole do ma pale                  (Ainsi soit-il)

           Wagaga yiap                                     (Amen)

 

 

 

3.3.4. Les différentes formes de prière

 

            Les prières sont de deux formes : les prières faites en prononçant les mots audibles et les prières silencieuses. Dans le premier cas, la prière ordonne la réalisation de quelque chose à l’immédiat. Ce type de prière est adressé aux entités, à Si-Kettih et aux ancêtres aussi. Il est le plus souvent utilisé dans les  formules magiques et dans des conversations entre l’homme et la nature. Le second type de prière est réservé à Si-Kettih seulement. Il permet à celui qui la fait de grandir spirituellement. La pratique régulière des prières silencieuses affermit l’esprit de l’homme. L’individu rayonne la dignité, la sagesse, le calme, la santé. Les cheveux et la barbe brillent et rayonnent de la puissance. L’individu parle très peu et avec des mots précis. La parole qui sort de la bouche est un pouvoir. Il peut donner des ordres à la nature comme un général d’armée à ses subalternes. Après sa mort, il sera capable de guider des humains sur la bonne voie ; il peut également être invoqué par sa famille dans une prière.            

Des patriarches pratiquent beaucoup la prière silencieuse. Leurs paroles sont des pouvoirs. On les entend souvent promettre la réalisation de quelque chose à leurs enfants en ces termes par exemple :

  • «Ne t’inquiète pas mon enfant, tant que je vis tu réussiras toujours là où tu veux » ;
  • « Tant que je vis, tu n’auras aucune blessure sur les champs de bataille pendant les guerres » ;
  • « Aucun sorcier, aucune personne malveillante, aucun esprit maléfique, n’entreront dans ces lieux » ;
  • « Aucun voleur ne franchira ma barrière » ;

et cela se réalise !

 

3.4. Les formules magiques

            Les formules magiques (en Mambay : Nassaäh, Hiilah) sont des prières ou des paroles relevant du domaine ésotérique, gardées secrètement par des grands prêtres; elles sont seulement enseignées aux initiés dans des lieux secrets en brousse et aux patriarches des familles ou chefs de clans. Dans chaque clan et chaque famille, il existe au moins un initié gardant secrètement un « livre invisible » de formules magiques. Ce livre (connaissances secrètes) est transmis de générations en générations par des voies purement initiatiques ou par des révélations après la mort de celui qui le détient secrètement. Souvent le nouveau qui doit recevoir la révélation, s’il est choisi par l’esprit du défunt ou par les ancêtres, fait une malade grave pour un certain temps, mais sans passer au trépas. Cette maladie n’est qu’une façade : elle explique son absence dans le monde des ordinaires et sa présence dans le monde des invisibles où il reçoit les dons. Les sorciers et les initiés le savent et le disent souvent aux chefs de famille, qu’il s’agit d’un retour des pouvoirs du défunt au sein de la famille. Il y a aussi des défunts qui ne choisissent pas un membre de leurs familles directes pour transmettre leurs pouvoirs à la société.


3.5. Les égrégores

            Un égrégore (en Mambay : Sinnah, Namuurah) est l'ensemble des énergies cumulées de plusieurs personnes, vers un but ou une croyance définie par elles. C'est comme un accumulateur d'une énergie possédant ses propres caractéristiques, et motivé par la foi ou la concentration de plusieurs personnes à la fois.

Un égrégore est aussi un être spirituel conçu et créé par un groupe des personnes, et qui travaille pour elles. Un égrégore est un dieu (en Mambay : Ti-Sinnah, Ti-Namuurah). Il est une machine spirituelle. Il agit dans l’intérêt de ses créateurs et de ses adeptes. Il se nourrit des rites, des prières, des assemblées des ses adeptes et des actes conclus comme pacte par ses créateurs. Plus ses adeptes se réunissent et prient régulièrement, plus il grandit et devient plus puissant. La durée de vie d’un égrégore varie selon son type.  Un égrégore peut durer un jour, plusieurs jours,  plusieurs semaines, plusieurs années, plusieurs siècles,  plusieurs milliers d’années et voire même presque éternellement par rapport à la vie d’un homme.

 

Les éléments de base d’un égrégore sont entre autre ses principes de fonctionnement, ses rites et des supports pour sa transmission de générations en générations. Un égrégore possède un champ d’action analogue aux champs des ondes électromagnétiques. Ce champ est caractérisé entre autre par son centre, son étendue, sa puissance et sa vitesse de réponse.

 

Un égrégore est un principe universel. Dès qu’une assemblée de deux personnes au moins  se constitue avec un but précis, automatiquement naît une entité qui représente cette assemblée et qui  veille sur le but fixé. L’entité ainsi née a une durée de vie qui peut aller au-delà de la durée de cette assemblée. Si cette même assemblée se reproduit régulièrement, l’entité perdure et vivifie le but fixé par l’assemblée. Elle motive les membres de l’assemblée.

Etant un être spirituel, un égrégore récompense et protège ses adeptes ; il réprime et  punit les adeptes blasphémateurs. Il reste muet aux attentes de ses adaptes, si ceux-ci n’accomplissent pas correctement ses rites. Il leur donne espoir et paix spirituelle. Il peut  apparaître à certains de ses adeptes sous forme d’une personne dans la réalité et dans les rêves.


Autres catégories d’égrégores


Les religions actuelles (islam, catholicisme, judaïsme, bouddhisme, Vodou et autres) sont des catégories d’égrégore, avec une puissance et une étendue plus ou moins importantes à cause du grand nombre de leurs adeptes. Leur vitesse de réponse ne peut être appréciée que par leurs adeptes. Elles ont pour centres : la Mecque, Rome, Jérusalem, Inde, Bénin, etc. Elles ont leurs principes, leurs rites, des supports (livres, objets) pour leur transmission de générations en générations. Elles possèdent chacune un être spirituel appelé esprit de religion, qui agit manifestement dans l’intérêt de leurs créateurs et de leurs adeptes.  Certains adeptes de ces égrégores rencontrent parfois leurs prophètes, leurs grands chefs religieux dans la réalité et dans les rêves.

Les nations et des souverainetés sont aussi d’autres catégories d’égrégore : elles ont leurs principes (administrations), leurs rites (protocoles, etc.), des supports (constitutions, lois, etc.) pour leur survie dans le temps, leur centre (centre des décisions), une puissance (économique, etc.), une étendue (territoire), une vitesse de réponse (rapidité dans le traitement des dossiers), etc. L’efficacité de ces égrégores dépend entièrement de la foi, de l’amour et du travail de leurs citoyens. Ces égrégores récompensent, répriment leurs citoyens ; ils agissent dans l’intérêt de leurs citoyens. Les citoyens rencontrent parfois les grandes personnalités de leur nation dans la réalité et dans les rêves.

 

Egrégores pour l’humanité


L’utilisation des égrégores pour tirer bénéfice des univers physiques, invisibles et subtils,   relève des pouvoirs et facultés divins introduits dans la conscience et l’intelligence spirituelles de l’homme sous forme de grâce divine. L’homme spirituellement conscient et intelligent est un dieu.

Un égrégore conçu pour le mal, ne fera que du mal. Un égrégore conçu pour le bien fera que du bien. Un égrégore quel qu’il soit, conçu par des hommes de bonne foi, de vérité et d’amour, spirituellement conscients et intelligents, sera toujours bénéfique pour toute l’humanité.


 

3.5.1. Exemple d’utilisation de l’égrégore de famille


L’égrégore de famille, appelé en langue Mambay «Namuurih Zua’ah , ou Ti-Namuurih Zua’ah », a ses adeptes qui sont issus d’une même famille (frères, sœurs, cousins, oncles de même sang).


Quand par exemple un membre de la famille est gravement malade et que les pouvoirs des médecins traditionnels ne parviennent pas à remédier à la situation, le patriarche ou le plus âgé de la famille organise un festin à l’intention de tous les membres de la famille. Les enfants sont repartis selon le sexe et le groupe d’âge. Un repas très copieux leur est servi devant un grenier de mil. Les enfants doivent manger à satiété. Après ce repas, aucun enfant ne doit se laver les mains. On les conduit auprès du malade, et on leur fait répéter une prière de demande de grâce adressée aux ancêtres de la famille, les mains tendues au-dessus du malade.  A la fin des récitations, ils doivent conclure : « Ko ina ro’ole do ma pale. Wagaga yiap ». Ce qui veut dire : « Ainsi soit-il. Amen ». Ils peuvent ensuite se laver les mains. Dans la plupart des cas le malade guérit et souvent à l’immédiat.

 

3.5.2. Pourquoi adresser des prières aux ancêtres ? 

            Dans la spiritualité Mambay, un ancêtre (Zua’ah) de la famille est un représentant de Si-Kettih sur terre, au même titre que le père (Daah) et la mère (Maah). On ne vient pas directement de Si-Kettih ; on vient de ses parents directs, les parents directs viennent de leurs parents directs, ces derniers viennent aussi de leurs parents directs, ainsi de suite jusqu’à

Si-Kettih le Dieu créateur.

Si-Kettih crée l’homme, mais par l’intermédiaire des parents directs, ainsi les premiers bénis et incarnant les pouvoirs de Dieu sur terre pour l’enfant, ne sont autres que les parents directs eux-mêmes. Il suffit par exemple qu’une maman, en levant le bout de son sein vers haut, dise en même temps à son enfant : « Pbigah, mu re teg-teg », c’est qui veut dire : « Enfant, toutes tes entreprises seront vaines » ; et cet enfant aura sa vie complètement ratée.


3.6. Les totems

            Un totem, appelé Mambay « Nam Ti-Si’ih » ou bien « Nam Ti-Si’ih anna », est un animal lié spirituellement à une famille d’un homme ayant conclu un pacte avec cet animal.

L’homme (ainsi que ses descendances) qui a conclu le pacte avec l’animal ne peut plus ni le tuer ni manger sa chair. Le pacte est transmis de génération en génération entre les descendances de l’homme et l’entité supérieure responsable de tous les animaux de la terre semblables à l’animal du pacte.

Par exemple si le pacte est conclu entre un homme et une panthère, toutes les panthères de la terre sont automatiquement au courant du pacte. Leur entité supérieure qui les gère, leur transmet le pacte de génération en génération. Du côté de l’homme, le secret de maintien du pacte est aussi transmis de génération en génération à ses descendances.


La question est maintenant de savoir comment arrive-t-on à un pacte entre un animal et un être humain.

Il faut bien savoir que dans le royaume de Si-Kettih, toutes les créatures sont sous forme d’esprits. C’est sur la terre que chaque esprit prend un corps physique comme bon lui semble. Dans le monde des esprits règnent des principes divins dont l’Amour, l’Harmonie, l’Equilibre entre les créatures divines. L’homme physique et l’animal physique sont tous deux, chacun lié à son esprit divin. Donc il arrive parfois qu’un animal soit par exemple pris dans un piège tendu par un chasseur et que celui-ci le trouve encore vivant. L’animal sait d’office qu’il sera mis à mort par le chasseur. Mais il arrive que le chasseur le libère plutôt que de le tuer. Cet acte d’amour que le chasseur témoigne en faveur de l’animal parvient bien entendu jusqu’au niveau de l’entité responsable de tous les animaux de la terre et ainsi qu’au niveau de l’entité responsable de ce type d’animal.

Alors l’entité de ce type d’animal prépare une surprise pour le chasseur, en guise de reconnaissance mutuelle. Un jour le chasseur donc, est surpris d’entendre une voix humaine lui parler dans la brousse par exemple en ces termes : «C’est toi tel ? Un jour ton piège m’a pris, mais tu m’as laissé la vie sauve. A partir de maintenant, je te donne tels pouvoirs et je te protégerai toi et tes descendances. En contre partie laisse la vie sauve à mes semblables. et ne mange plus leur chair ». Alors, entendant ces paroles, le chasseur va naturellement se retourner pour reconnaître son interlocuteur ! C’est ainsi qu’il ne verra personne, mais plutôt un animal de même type que celui qu’il avait libéré quelques jours auparavant. Voilà par exemple, comment un pacte entre un animal et un chasseur peut venir à existence !

            L’animal totem peut être domestiqué par l’homme pour vivre en famille avec ses descendances, ou bien vivre dans la nature. Le pacte est conclu sur le plan spirituel. L’engagement pour le maintien du pacte est aussi pris sur le plan spirituel. Les actes nécessaires pour le maintien du pacte sont appliqués sur le plan physique. Ces actes sont par exemple : nourrir l’animal s’il vit en famille, éviter de tuer sciemment ses semblables, ne pas manger sa chair, le considérer comme un membre de famille au même titre que les enfants de la famille, etc. 

3.7. Les offrandes et les sacrifices


Dans les croyances Mambay, les offrandes et les sacrifices (en Mambay : Ig va Sinnah ou Ig wbänah) sont au cœur de la spiritualité. Ils servent de facilitateurs d’acheminement des intentions (bonnes ou mauvaises) et des prières pendant des cérémonies (mariages, naissances, récoltes, malheurs, mort, fêtes, etc.) aux destinataires qui sont: Si-Kettih, les entités déléguées de Si-Kettih, les entités bienveillantes, les égrégores, les totems et les ancêtres.

Comme toute société africaine, la société Mambay est mystico-religieuse. Il est pratiquement impossible de séparer les pratiques magiques, mystiques et des rites religieux. L’individu est constamment en communion avec le monde des esprits et le monde physique.

 

                                                                                                 Pendant les séance de délivrance

            Les offrandes et les sacrifices sont aussi présents dans des rites de délivrance et de désenvoûtement. Par exemple lorsqu’un prêtre traditionnel, en voulant guérir un malade possédé, remarque que les entités maléfiques dans le corps du malade sont plus puissantes que lui et ne veulent surtout pas quitter le corps de leur victime, il passe à la négociation avec elles.  Il leur propose un substitut sous forme d’offrande ou de sacrifice pour racheter l’âme du malade. Le substitut est alors dicté par les esprits. Marché conclu, le guérisseur prend alors un animal (chèvre, poulet, œuf, poussin), ou bien un peu de mélange de produits agricoles (mil, arachide,  haricot, huile, vin, coton,…).  Il fait passer le substitut  au-dessus du malade. Si le malade est un homme, cet acte est répété 3 fois. En cas de la femme c’est 4 fois. Ensuite il prononce ces mots à hautes voix : « Ro wardu.  Ro lugu indu. Ro te’enn, mi tu’uro kiyangi oro », ce qui veut dire : « Laissez-le. Sortez de son corps. Venez, je vous montre votre demeure ». Après avoir parlé ainsi aux esprits, il se dirige hors du village pour aller déposer le substitut dans un endroit souhaité par les esprits. Cet endroit peut être un arbre, un arbuste, un ravin, un rocher, un coin du fleuve, une termitière. Les esprits quittent le corps du malade et s’installent là où le substitut est déposé. Dans le cas d’un animal, l’animal est immolé à cet endroit et sa chair peut être consommée. Les esprits aiment seulement le sang, petit soit-il. Dans beaucoup des cas le malade guérit et parfois à l’immédiat avant que le substitut ne soit même déposé dans la brousse.


  Pour la paix sociale

Pour faire rétablir la paix ou l’harmonie dans un village ou dans une famille, on fait très souvent usage de sacrifice de chèvre, de mouton, des poulets et de vache. Organise à cette occasion un grand festin pour tout le village ou bien un festin restreint dans le cas des affaires de famille. Des patriarches exposent les problèmes et les résolutions au public. Les débats se sont déjà déroulés entre les grands (patriarches, initiés, chefs des clans,) dans un lieu secret bien avant. On y mange et boit du vin de mil à satiété. On en sort le vend rond, les sourires aux lèvres, la paix et la joie dans le cœur. L’harmonie ou la paix redevient comme auparavant.


  Contre la malchance (en Mambay : Fuä Pugah)

Les sacrifices et les offrandes sont aussi utilisés pour ouvrir des voies à ceux qui veulent réussir dans la vie, ou pour ceux qui constatent que leurs entreprises sont sans succès. Pour ce faire, celui qui exprime son intérêt fait immoler un animal domestique ou ramène d’une chasse de la viande. Il prépare la viande et la fait manger par plusieurs personnes dans une atmosphère de fête.

Le sacrifice pour le Mambay purifie l’âme et ouvre la voie sur la terre et dans l’au-delà. Il apaise la colère de Dieu, des entités et des ancêtres. Les ancêtres ont prescrit la charité pour l’harmonie de la société. Si on veut réussir dans la vie ou avoir plus, on doit se sacrifier en donnant aussi aux autres. Les ancêtres adorent la charité et exigent aux vivants de verser un peu d’eau, un peu du vin, ou bien de laisser tomber sciemment un peu de nourriture sur la terre, avant de les consommer.


On utilise les sacrifices ou les offrandes pour être sous la protection de Si-Kettih contre les mauvais sorts pouvant provenir de la nature elle-même ou des ennemis. Un homme qui accomplit régulièrement des sacrifices en guise de charité ou de partage, est un homme sous la protection de Dieu (Si-Kettih). Même les esprits maléfiques lui reconnaissent sa générosité. Aucun sorcier, quelle que soit sa méchanceté, ne s’attaquera à un homme généreux. Les bonnes actions purifient l’âme !

 

Les sacrifices et les offrandes sont aussi des chapitres prescrits dans les principes de fonctionnement et les rites de certains égrégores. Donc pour que la vie sociale dans un village ou dans le royaume fonctionne normalement et que les égrégores des familles,  des clans, des villages et du peuple agissent dans les intérêts conçus par leurs créateurs respectifs, les prêtres sont obligés de pratiquer les sacrifices et les offrandes.

 

Sources d’informations

  1. Recueils des sources orales auprès des chefs des clans, des notables, des personnes âgées entre de 50-90 ans (femmes et hommes) de 1978 à 2007.

·        Suaé Pah Kila de Kakou (Patriarche et forgeron)

·        Mazua’ah Dapbara (Epouse de Suaé Pah Kila, tradipraticienne, exorciste)

·        Suaé Bello Pah TAO de Kakou (Tradipraticien, exorciste)

·        Suaé Pah Kami Wansang de Djarendi Bello (Patriarche, chasseur, mystique)

·        Suaé ISSA Koue de Bouza (Patriarche, mystique)

·        Suaé Bah Halima de Lam-Bibémi (Patriarche, chasseur, tradipraticien)

·        Suaé Wakili Kaaparaya  de Katchéo (Patriarche, Notable de Katchéo)

·        S.M. Oumarou Jean de Bikalé (Chef de village)

·        S.M. Yangoro Dogo Bello de Lam-Bibémi (Chef de village, chasseur, tradipraticien)

·        Suaé Bah Hamidou de Lazoua (Patriarche)

·        M. Ballo Lazoua  de Lazoua (Tradipraticien, mystique, le Responsable des rites des eaux de Lazoua)

·        Mazua’ah Tou Mairamou de Kakou (femme âgée)

·        Mazua’ah Tou Idi de Kakou (femme âgée)

·        Suaé Ahmadou Kami Ti-Koué (Petit fils de chef de guerres tribales avant l’arrivée des Allemands au Cameroun)

·        M. Yaya Gardi Tao Lythé (Petit frère de Suaé Pah Kila de Kakou)

·        Suaé TAO Golombé Bah Wali (Patriarche)

·        Mazua’ah Tou Mamma de Piaga (femme âgée)

·        Suaé Dangodjé de Kakou (Patriarche, Notable de Kakou)

·        Suaé Issa Nakarambodi de Kakou (Prêtre de l’égrégore Ti-Nurmi du clan Tikongong)

·        Suaé Djoro Ousmaïla de Kakou (le Responsable des rites du Lac Kakou)

·        S.M. Saidou TAO de Bouza (Chef du village Bouza, Prêtre de l’égrégore Ti-Weyah du clan Ti-kalga)

·        M. Adamou Hamadama (Assistant au Responsable des rites du Lac Kakou)

·        S.M. Djoro Hassana de Pinsa-Kakou (Fils d’un prêtre de l’égrégore Finnsah du clan Tigah)

·        M. Halidou So’oblang Bah Seyni (de la famille d’un prêtre de l’égrégore Ti-Sah Dtaza’arah).

  1. Atelier « Rites, traditions, religion » lors des états généraux du peuple Mambay à KAKALA, le 17 novembre 2007.



 
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Assemblée générale de CODEBOL (Comité de Développement de la Région de Bolgui: Kakou, Bouza, Piaga et Lazoua) à Kakou en 2006.



La région de Kakou enregistre
beaucoup de décès:

Les victimes les plus vulnérables sont des enfants et des personnes âgées. Un autre cas le plus alarmant et regrettable, c’est l’accouchement difficile chez les femmes; une femme sur cinq meurt pendant ou après un accouchement difficile. Il faut réduire la mortalité infantile dans la région de Kakou et assurer la santé des femmes de la gestation jusqu’à l’accouchement ;

Objectif spécifique du
centre de santé à Kakou:


1). Permettre aux villageois de la région de Kakou d’accéder facilement aux soins médicaux ; 2). Combattre les maladies endémiques et chroniques dans la région: le paludisme, la bilharziose, les maladies du foie, les vers intestinaux ; 3). Participer à l’amélioration de l’espérance de vie dans la région de Kakou.

Voir le projet ici ...
Rado Communautaire Rurale
 
Participez à la construction de la Radio Communautaire Rurale à Figuil, Département du Mayo-Louti, Province du NordCameroun.
Scolarisation de la Jeune Fille
 
Participez à la sensibilisation des populations de la région du Lac KAKOU (Province du Nord Cameroun) sur la scolarisation de la jeune fille. La situation est prise en main par les comités de Développement des villages dont: CODEBOL, CODEKA et CODELABI.


Assemblée des jeunes gens à Bissoli en 2006, encourageant le scolarisation des jeunes Mambay. Cette Assemblée fut l'oeuvre acharnée des Etudiants et Elèves Mambay regroupés sous le nom d'une association culturelle appelée NASOUZI.



Assemblée générale de CODEKA (Comité de Développement de Kakala, dont le Président est M. Moussa Ousman Tao) en 2006 à Kakala. Beaucoup d'invités dont M. Le Sous-Préfet de Guider et M. Harouna Nyako l'Honorable Député-Maire de Guider. M. Harouna Nyako posa aux populations de la région de Kakala, la question de savoir "POURQUOI LES MAMBAYS ONT-ILS ABANDONNE LEURS DANSES TRADITIONNELLES, QUI ETAIENT POURTANT TRES BONNES". Il les exhorta en suite à restaurer leurs cultures. Il ajouta: "C'est les traditions qui constituent l'histoire d'un peuple. Avant les Mambay et les Guidar de Lam representaient culurellement notre Département de Mayo-Louti, lors des grandes réception. Mainentenant il n'ya que les populations de Lam qui nous donnent fierté! Où sont restés les Mambays?"



Assemblée Générale de CODEBOL à Kakou en 2006: la scolarisation des jeunes gens était à l'ordre du jour. Le Président de CODEBOL M. Halidou Djeilani exhorta les populations de la région de Bolgui et les autorités administratives de l'Arrondissement de Bibémi à lutter contre la sous-scolarisation des jeunes Mambay. Il plaida aussi en faveur d'une création d'un centre d'Etat Civil à Kakou, ce qui faciliterait l'établissement des actes de naissances aux enfants.


En premier plan de G. à D.: M. Halidou Djeilani, M. Oumarou Denis, l'Adjoint D'Arrondissement de Bibémi.
Vive la culture Mambay
 
La culture Mambay doit survivre: Restauration, Valorisation, Développement et Préservation. La culture est la première richesse que nous ont léguée nos parents.


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