Projet
de création d’un Poste de Police de Frontière
dans la région de KA-FINAROU
(Arrondissement de Guider)
Yaoundé, le 21 juin 2008
OUMAROU Mamoudou
1. Promoteur du projet
C’est une association culturelle et apolitique qui regroupe la Diaspora et les Locuteurs de la Langue Mambay dénommée DILOMA. Le siège social de ladite association est à Yaoundé, République du Cameroun.
2. Localisation du projet
Le présent projet sera développé dans le village KA-FINAROU, Département du Mayo-Louti, Arrondissement de Guider, Province du Nord.
3. Présentation de la région de KA-FINAROU
La région de KA-FINAROU
La région de KA-FINAROU dans ce projet désigne la grande plaine humide située au Nord du Lac NABA’ARAH (Le Lac Kakou) et qui est délimitée à l’ouest par le fleuve Mayo-Louti et à l’est par le verger de Kagboung-ni (Tchad). Elle a pour point de repère le village KA-FINAROU.
Né au détriment de l’ancienne cité Bolgui, le village KA-FINAROU avec ses villages satellites du Mayo-Louti (Ka-Fimarey et Kakala) et ceux de la Bénoué (Lazoua, Kakou et Piaga), est le principal village Mambay où naissent fréquemment des conflits frontaliers entre les Mambay du Cameroun et ceux du Tchad.
La balkanisation du pays Mambay
Relié par une route en terre (environ 25 Km) à Figuil, ce village illustre une triste histoire qui frappa à jamais le peuple Mambay depuis que les colonisateurs français du Tchad et les Anglais du Nigéria eurent mis fin au séjour des allemands au Cameroun, à la fin de la première guerre mondiale. La triste histoire que vivra désormais le peuple Mambay est «la balkanisation du pays Mambay»:
a) Le pays Mambay sera partagé entre deux souverainetés: le Cameroun et le Tchad. C’est le premier partage du gâteau Mambay.
b) Après que les Chefferies traditionnelles de Bibémi, Guider, Figuil et Golombé furent érigées en Cantons, un autre triste événement vint encore frapper le pays Mambay; il sera pour une deuxième fois partagé: des villages Mambay situés au sud du fleuve Mayo-Kébi seront contrôlés par le Canton de Bibémi et ceux situés au Nord du fleuve Mayo-Kébi seront d’abord sous l’emprise du Canton de Guider, puis repartis quelque temps après sous le contrôle des Cantons de Guider, de Golombé et de Figuil. C’est le deuxième partage du gâteau Mambay. Le pays Mambay a donc éclaté littéralement!
c) Avec des nouvelles divisions administratives, le pays Mambay va encore subir un troisième découpage: on aura alors des villages Mambay repartis dans plusieurs Arrondissements (Bibémi, Guider et Figuil) et Départements (Bénoué et Mayo-Louti).
Le pays Mambay perd ses royaumes
Le pays Mambay du Cameroun sera donc dépourvu de ses puissants royaumes d’antan: les royaumes de Katchéo, de Bolgui et de Tara disparaîtront à jamais pour faire place à des Chefferies de Troisième Dégré. Les rois Mambay appelés WO-DAGGUEMNA (Chefs Supérieurs équivalents de Lamido) seront désormais appelés WO-DAGGYAALA (Petits Chefs équivalents de ARDO ou LAWAN).
Seuls les rois du Tchad garderont leurs titres et leurs pouvoirs. Le Lamido de Biparé est le Chef du Canton de Biparé.
Le village KA-FINAROU, lieu de conflits frontaliers
L’actuel village KA-FINAROU était autrefois, avant le morcellement du pays Mambay, une vaste étendue de terres fertiles et humide toute l’année où les habitants des royaumes de Bolgui et de Biparé pratiquaient l’agriculture. Ce village est actuellement connu des habitants du village Kakou (nouveau site de royaume de Bolgui) sous le nom de « FIN-KOUH » (traduit mot à mot: «l’endroit des champs»). Avec l’accroissement démographique dans les villages Mambay autour du Lac Naba’arah, la pression sociale et la quête des terres cultivables devenues rares, des fils et petit-fils des anciens habitants de Bolgui (Cameroun) et de Kagboung-ni (Tchad) devenus très nombreux, vont passer de part et d’autre de la limite étatique entre le Cameroun et le Tchad pour chercher soit des champs ou des terres fertiles, soit pour réclamer des champs de leurs ancêtres. Il n’est donc pas étonnant de constater aujourd’hui, que le village KA-FINAROU entretienne fréquemment des conflits frontaliers nés des revendications des terres cultivables de part et d’autre de la frontière entre la République du Cameroun et la République du Tchad.
a). Evolution du peuplement de la région
Des populations Mambay issues des cités Bolgui et Tara vont coloniser des terres fertiles au nord du Lac Naba’arah et fonderont plus tard les villages KA-FINAROU et KA-FIMAREY; à ces populations autochtones s’ajouteront progressivement d’autres ethnies qui seront plus ou moins saisonnières; ce sont par exemple les Haoussa, les Massa, les Guiziga, les Guidar, les Toupouri, les Sara et les bergers peuls.
Tableau: Estimation des populations de part et d’autre de la frontière Cameroun–Tchad entre 1971 et 2008
Pays
|
Village Mambay
de part et
d'autre de la frontière
|
1971
|
1987
|
2006
|
2008
|
Arrondis-
sement; Départe-
ment
|
|
Kakou et Bouza
|
428
|
1 122
|
1 403
|
1 818
|
Bibémi;Bénoué
|
|
Piaga
|
128
|
246
|
427
|
800
|
Bibémi; Bénoué
|
|
Lazoua
|
81
|
157
|
250
|
300
|
Bibémi;
Bénoué
|
Cameroun
|
Kakala et Kara
|
346
|
1 026
|
892
|
1 887
|
Guider;
Mayo-Louti
|
|
Kafinarou et Kafigaldima
|
?
|
498
|
508
|
700
|
Guider; Mayo-Louti
|
|
Kamarey
(et Kapila)
|
45
|
575
|
1 150
|
1 739
|
Figuil;
Mayo-Louti
|
|
Bipare
|
?
|
1 205
|
2 244
|
2 453
|
Zaguéré; Léré
|
Tchad
|
Kaboung-ni
|
?
|
945
|
1 569
|
1 735
|
Zaguéré; Léré
|
|
Mayo Siwa
|
?
|
567
|
774
|
981
|
Zaguéré;Léré
|
|
|
|
|
|
|
|
|
TOTAL
|
1 028
|
6 341
|
9 217
|
12 413
|
|
Sources: 1). A sociolinguistic Survey of the Mambay Language of Chad and
Cameroon, by Cameron Hamm, SIL International 2002;
2). La gestion d’une zone humide autour du Lac Kakou sur la frontière Tchad-Cameroun
(Mémoire de Maîtrise de BRAHIM Djidda, Université de Yaoundé I, Janvier 2007) ;
3). Estimation du nombre des personnes vinant dans les villages Mambay en 2008, par DILOMA.
Remarques:
Les recensements des populations effectués entre 1971 et 1987 (dans le document de Cameron Hamm) concernent uniquement des personnes qui ont pour langue maternelle, la langue Mambay, tandis que ceux effectués en 2006 et 2008 estiment le nombre des personnes qui vivent dans un village Mambay. Il faut cependant préciser que les nombres ainsi présentés ne sont qu’indicatifs et dépendent fortement des mouvements des populations étrangères qui vivent saisonnièrement dans les villages Mambay.
Les villages Mambay accueillent ces derniers temps des populations qui arrivent massivement de l’Extrême-Nord du Cameroun et du Sud du Tchad. On identifie aujourd’hui dans les villages Mambay les ethnies Guiziga, Toupouri, Massa, Sara et Peuls. Les Haoussa, les Guidar et les Moundang ne sont pas identifiés comme des étrangers, car ce groupe d’ethnies cohabite pacifiquement avec les populations Mambay depuis la nuit des temps, et il existe aussi des mariages inter-ethniques entre ce groupe et l’ethnie Mambay.
b). Activités économiques
La région de KA-FINAROU connaît une intense activité de pêche artisanale, d’élevage bovin, ovin et caprin, de culture de sorgho, de haricot et d’oignon, grâce à sa position au bord du lac Naba’arah et la présence de grands pâturages (les résidus de plantes après les récoltes de sorgho et les plantes nourricières tout autour du lac Naba’arah).
KA-FINAROU était non seulement le champ agricole, mais aussi le lieu où s’organisaient annuellement de grandes foires agricoles pour la vente du coton. C’était le marché où la société cotonnière française (CFDT: Compagnie Française pour le Développement Textile) venait acheter du coton aux paysans Mambay.
c). Accessibilité
La région de KA-FINAROU est accessible par voie terrestre toute l’année. On y accède par des engins motorisés et aussi en pirogue.
d). Insécurité et Conflits frontaliers fréquents (Objet du projet)
Illustration des conflits frontaliers au niveau de KAFINAROU à base d’un extrait de textes du document de recherches:
«La gestion d’une zone humide autour du Lac Kakou sur la frontière Tchad-Cameroun ». (Mémoire de Maîtrise de BRAHIM Djidda, Université de Yaoundé I, Janvier 2007).
...
« En pays Mambay les conflits frontaliers résultent souvent de l’ignorance, du laxisme et du fanatisme. Lors de nos enquêtes sur le terrain, nous nous sommes rendus compte que presque tous les habitants de la localité ignorent la limite étatique bien qu’il y existe encore des bornes dans certains endroits. La distance entre deux bornes empêche de dire avec exactitude la ligne qui délimite le Cameroun et le Tchad.
La grande difficulté réside surtout dans la plaine, du fait que les bornes sont déjà enterrées suite aux dépôts sédimentaires. Pourtant, c’est dans la plaine que les deux peuples (camerounais, tchadiens) s’entremêlent à travers leurs différentes activités (agriculture, pêche et pastoralisme). Les accusations mutuelles ne manquent jamais sur certains comportements. Par exemple, les agriculteurs du Cameroun accusent les bergers tchadiens de causer trop de dégâts à leurs cultures. Les pêcheurs du Tchad disent que leurs frères du Cameroun sont des voleurs de poissons et d’engins de pêche.
Le manque de repère frontalier peut provoquer des incidents majeurs avec des conséquences irréparables au sein de la communauté Mambay. Les uns et les autres sont marqués par certains événements sur la question foncière qu’ils n’ont pas encore entièrement digéré.
En 2005, le Lamido de BIPARE avait capturé trois têtes de bœufs dans les troupeaux des bergers de KAKOU et de BOUZA dans un pâturage qu’il prétendait appartenir au Tchad, alors que les frères du Cameroun se croyaient chez eux. Sa Majesté Issa Bouza, le Chef du village BOUZA avait porté l’affaire devant ses pairs (le Lamido et le Sous-préfet de Bibémi); mais ces derniers n’ont pas réagi.
Selon le Chef de BOUZA, l’acte du Lamido de BIPARE est une insulte et que le pâturage en question se trouve dans le territoire Camerounais. Quant au Lamido de BIPARE, Sa Majesté Issa Kada, il soutient qu’il avait ainsi réagi suite aux maints avertissements sur cet endroit dont il avait et aura toujours le contrôle.
En ce qui concerne le laxisme, c’est le souci selon lequel nous appartenons à une même ethnie donc à une même communauté et qu’il faut laisser les frères cultiver de part et d’autre de la frontière. Cependant, après plusieurs années d’exploitations, les bénéficiaires ou leurs enfants pensent que c’est leur propriété légitime. Et pourtant, ils ignorent qu’ils sont d’un pays et que leurs champs se retrouvent dans un autre. Comme la frontière n’est pas encore matérialisée par une ligne visible, la confusion entraîne une confusion totale.
C’est à cause de ce laxisme que les paysans de KABOUNG-NI (Tchad) et ceux de KA-FINAROU, KA-FIMAREY et BADADJI (Cameroun) pratiquent l’agriculture et plantent des arbres fruitiers de part et d’autre de la frontière. Mais malheureusement, c’est aussi les endroits où les antagonismes frontaliers ne manquent jamais. Les frères du Cameroun accusent quelques agriculteurs de KABOUNG-NI (Tchad) d’avoir aménagé leurs vergers sur le territoire du Cameroun. Raison pour laquelle certains jeunes avaient manifesté en 2001 en écrivant sur les rochers et les troncs d’arbres avec la peinture l’insigne «République du Cameroun». Heureusement suite à cet événement, le Préfet de Guider et son homologue du Tchad (le Préfet de Léré) ont su calmer les esprits des communautés locales.
Tout récemment, le 6 décembre 2006, la visite inopinée du Préfet de Guider accompagné du Sous-préfet de Figuil et du Lamido de Golombé avait provoqué une vive tension dans le canton de BIPARE. Selon certaines sources, ces autorités avaient foulé le sol tchadien jusqu’à deux kilomètre sans que le Chef du Canton de BIPARE ne fût au courant. D’autres sources rapportent que ces autorités étaient accompagnées de certaines élites de la région de KA-FINAROU pour une inspection de deux jours consécutifs (donc du 5 au 6 décembre 2006).
Suite à cette visite inopinée des autorités camerounaises, certaines communautés tchadiennes mal intentionnées et mal informées avaient réclamé la mise à pied de ces élites camerounaises dans le Canton de BIPARE. Heureusement contre toute agitation, la fraternité et le sens d’appartenance à une même ethnie Mambay prirent le dessus et la tension fut apaisée.
Aujourd’hui, l’inquiétude repose sur le fait que les habitants au niveau de la frontière ne connaissent pas avec exactitude la limite qui les sépare. C’est ainsi qu’en 2003, un groupe des jeunes de KA-FINAROU avaient encore délibérément sillonné le long de la frontière en écrivant à la peinture sur les troncs d’arbres et les rochers «République du Cameroun». Cette action avait encore provoqué des remous au sein des populations du Canton de BIPARE et de celles de la Préfecture de Léré.
Lors de nos enquêtes sur le terrain concernant la délimitation entre les pays, nous avons identifié trois groupes de personnes qui ont pu donné leur avis :
1. le premier groupe approuve l’existence de bornes qui matérialisent la limite entre le Cameroun et le Tchad; ces bornes ont été retrouvées. Mais dans certains endroits et surtout dans la plaine, certaines bornes ont disparu, enterrées par des dépôts sédimentaires ;
2. le deuxième groupe se base sur les « ont-dits qu’il existe ça et là des bornes entre le Cameroun et le Tchad », mais n’a jamais vu ces bornes ;
3. le troisième groupe ignore complètement l’existence des bornes entre le Cameroun et le Tchad.
Les résultats de nos enquêtes sur la délimitation de la frontière sont consignés dans le tableau suivant:
Tableau 7: Les avis des populations locales sur la limite exacte entre les deux pays (Cameroun et Tchad)
Impression
|
Effectif
|
Pourcentage
|
Approuve connaître la limite
|
29
|
19,33%
|
Imagine la limite
|
51
|
34%
|
Aucune idée sur la limite
|
70
|
46,67%
|
Total
|
150
|
100%
|
Source: La gestion d’une zone humide autour du Lac-Kakou sur la frontière Tchad-Cameroun, (Mémoire de Maîtrise de BRAHIM Djidda, Université de Yaoundé I, Janvier 2007)
En observant ce tableau, nous constatons que la majeure partie des populations locales est dans l’ignorance et dans la confusion quant en ce qui concerne la limite visible entre le Cameroun et le Tchad.
Lors des enquêtes nous avions constaté que ceux qui pensent connaître la limite entre ces deux pays éprouvent souvent des difficultés d’orientation au niveau de la plaine qui est en pleine mutation: les dépôts des sédiments dans la plaine ont caché beaucoup de repères. »
…
4. Appel au Gouvernement Camerounais
Fort de ce qui précède et conscient de la nécessité de l’ordre public de part et d’autre de la frontière Cameroun-Tchad au niveau de KA-FINAROU (Arrondissement de Guider, Département du Mayo-Louti, Province du Nord), l’association culturelle et apolitique qui regroupe La Diaspora et les Locuteurs de la Langue Mambay (DILOMA), décide d’attirer l’attention de l’Etat Camerounais, afin que ce dernier réagisse dans un délai raisonnable au secours des populations qui ne cessent de s’affronter de temps en temps au niveau de la frontière, en installant un poste de Police de Frontière à KA-FINAROU.
5. Description du projet
Le présent projet que l’association DILOMA (association culturelle et apolitique) soumet pour appréciation à l’attention de Monsieur Le Délégué Général à la Sûreté Nationale, consiste à interpeller toutes les forces vives (l’Etat Camerounais et les habitants de la région de KA-FINAROU) à mobiliser ensemble leurs énergies, afin qu’un poste de Police de Frontière soit installé à de KA-FINAROU.
Ce poste de Police de Frontière assurera la sécurité des populations des villages KA-FINAROU, KA-FIMAREY, KA-GALDIMA, KAKALA, KAKOU, BOUZA, PIAGA, LAZOUA, BADADJI et DJALOUMI.
6. Objectifs Généraux du projet
- Sécurité pour tous et partout;
- Participation à la politique gouvernementale de la sécurisation des frontières ;
- Lutte contre l’insécurité.
7. Objectifs Spécifiques
- Assurer la sécurité des populations dans la région de KA-FINAROU;
- Assurer la libre circulation des biens et des populations dans la région de KA-FINAROU;
- Maîtriser les mouvements des populations et des biens au niveau de la frontière Cameroun–Tchad, conformément aux dispositions réglementaires y relatifs des pays de la zone CEMAC ;
- Assurer l’ordre public dans la région de KA-FINAROU ;
- Réhabiliter la confiance au sein des communautés frères de part et d’autre de la frontière Tchad - Cameroun au niveau de la région de KA-FINAROU.
8. Bénéficiaires
- Les habitants des régions de KA-FINAROU;
- L’Etat Camerounais.
9. Structure du poste de Police de Frontière
Le poste de Police de Frontière comprendra:
· 01 bâtiment qui abritera le bureau du Chef de Poste Frontière, celui de ses collaborateurs et ainsi qu’une cellule;
· 01 maison de logement pour le Chef de Poste Frontière.
Le bureau du Chef de Poste Frontière
Les populations de la région de KA-FINAROU contribueront à ce projet par la construction d’un bâtiment à deux pièces (bureau et cellule).
La maison du Chef de Poste Frontière et de ses éléments
Au départ le Chef de Poste Frontière et ses éléments seront logés par le Chef du village KA-FINAROU.
Il faut noter que les habitants de la région de KA-FINAROU sont hospitaliers et attendent impatiemment l’arrivée de la Police dans leur localité.
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